Nova Casa
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 Le vieil Hugo dans l'arène

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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 0:29:17

Chanson du geôlier


Où vas-tu beau geôlier
Avec cette clé tachée de sang
Je vais délivrer celle que j'aime
S'il en est encore temps
Et que j'ai enfermée
Tendrement cruellement
Au plus secret de mon désir
Au plus profond de mon tourment
Dans les mensonges de l'avenir
Dans les bêtises des serments
Je veux la délivrer
Je veux qu'elle soit libre
Et même de m'oublier
Et même de s'en aller
Et même de revenir
Et encore de m'aimer
Ou d'en aimer un autre
Si un autre lui plaît
Et si je reste seul
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu'à la fin des jours
La douceur de ses seins modelés par l'amour.


J. Prévert.
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La Guêpe
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 0:56:02

Je préfère Prévert à Chateaubriand.

:jap:
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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 21:31:22

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


P. Verlaine
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La-Croquante
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 21:43:11

un peu de poésie ce soir

Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ;
Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit,
Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe
Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ;

Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme,
Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit,
Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme,
Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ;

Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive,
Disant des mots confus qui m'échappent souvent,
Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive
Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ;

Lorsque ma poésie, insultée et proscrite,
Sur ta tête un moment se repose en chemin ;
Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite,
Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ;

Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ;
Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux,
Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée,
Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ;

Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches,
Ton beau regard, terni par de longues douleurs ;
Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches,
Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ;

Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent,
Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ;
Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent,
Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ;

Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême !
Quand ta noble nature, épanouie aux yeux,
Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même,
Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ;

Ce qui sort à la fois de tant de douces choses,
Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour,
Comme un parfum formé du souffle de cent roses,
C'est bien plus que la terre et le ciel, - c'est l'amour !


Au bord de la mer
HUGO
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MARGAUX
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 21:52:35

Et parce que ça le vaut bien...

...Depuis quatre mois, je disais l'aimer, et ne lui en donnais pas cette preuve dont les hommes sont si prodigues et qui souvent leur tient lieu d'amour. J'éteignis de force.

Je me retrouvai avec le trouble de tout à l'heure, avant d'entrer chez Marthe. Mais comme l'attente devant la porte, celle devant l'amour ne pouvait être bien longue. Du reste, mon imagination se promettait de telles voluptés qu'elle n'arrivait plus à les concevoir. Pour la première fois aussi, je redoutai de ressembler au mari et de laisser à Marthe un mauvais souvenir de nos premiers moments d'amour.

Elle fut donc plus heureuse que moi. Mais la minute où nous nous désenlaçâmes, et ses yeux admirables, valaient bien mon malaise.

Son visage s'était transfiguré. Je m'étonnai même de ne pas pouvoir toucher l'auréole qui entourait vraiment sa figure, comme dans les tableaux religieux.

Soulagé de mes craintes, il m'en venait d'autres.

C'est que, comprenant enfin la puissance des gestes que ma timidité n'avait osés jusqu'alors, je tremblais que Marthe appartînt à son mari plus qu'elle ne voulait le prétendre.

Comme il m'est impossible de comprendre ce que je goûte la première fois, je devais connaître ces jouissances de l'amour chaque jour davantage.

En attendant, le faux plaisir m'apportait une vraie douleur d'homme : la jalousie.

J'en voulais à Marthe, parce que je comprenais, à son visage reconnaissant, tout ce que valent les liens de la chair. Je maudissais l'homme qui avait avant moi éveillé son corps. Je considérai ma sottise d'avoir vu en Marthe une vierge. A toute autre époque, souhaiter la mort de son mari, c'eût été chimère enfantine, mais ce voeu devenait presqu'aussi criminel que si j'eusse tué. Je devais à la guerre mon bonheur naissant; j'en attendais l'apothéose. J'espérais qu'elle servirait ma haine comme un anonyme commet le crime à notre place
.

Extrait du Diable au Corps de R.Radiguet
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Cathy
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 21:52:44

Fantaisie triste(Aristide Bruant)


I' bruinait... L'temps était gris,
On n'voyait pus l'ciel... L'atmosphère,
Semblant suer au d'ssus d'Paris,
Tombait en bué' su' la terre.

I' soufflait quéqu'chose... on n'sait d'où,
C'était ni du vent ni d'la bise,
Ça glissait entre l'col et l'cou
Et ça glaçait sous not' chemise.

Nous marchions d'vant nous, dans l'brouillard,
On distinguait des gens maussades,
Nous, nous suivions un corbillard
Emportant l'un d'nos camarades.

Bon Dieu ! qu'ça faisait froid dans l'dos !
Et pis c'est qu'on n'allait pas vite ;
La moell' se figeait dans les os,
Ça puait l'rhume et la bronchite.

Dans l'air y avait pas un moineau,
Pas un pinson, pas un' colombe,
Le long des pierr' i' coulait d'l'eau,
Et ces pierr's-là... c'était sa tombe.

Et je m'disais, pensant à lui
Qu' j'avais vu rire au mois d'septembre
Bon Dieu ! qu'il aura froid c'tte nuit !
C'est triste d'mourir en décembre.

J'ai toujours aimé l'bourguignon,
I' m' sourit chaqu' fois qu' i' s'allume ;
J' voudrais pas avoir le guignon
D' m'en aller par un jour de brume.

Quand on s'est connu l' teint vermeil,
Riant, chantant, vidant son verre,
On aim' ben un rayon d'soleil...
Le jour ousqu' on vous porte en terre.
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Lichen
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:01:12

Bambino, Bambino ne pleure pas, Bambino (Dalida)

Les yeux battus la mine triste
et les joues blêmes
Tu ne dors plus
Tu n'es plus que l'ombre de toi-même
Seul dans la rue tu rôdes
Comme une âme en peine
Et tous les soirs sous sa fenêtre
on peut te voir

Je sais bien que tu l'adores
Et qu'elle a de jolies yeux
Mais tu es trop jeune encore
Pour jouer les amoureux
Et gratte, gratte sur ta mandoline
mon petit Bambino
Ta musique est plus jolie
que tout le ciel de l'Italie
Et canta, canta de ta voix câline
mon petit Bambino
Tu peux chanter tant que tu veux
Elle ne te prend pas au sérieux

Avec tes cheveux si blonds
Tu as l'air d'un chérubin
Va plutôt jouer au ballon
Comme font tous les gamins

Tu peux fumer comme un Monsieur des cigarettes
Te déhancher sur le trottoir quand tu la guettes
Tu peux pencher sur ton oreille, ta casquette
Ce n'est pas ça, qui dans son cœur, te vieillira
L'amour et la jalousie ne sont pas des jeux d'enfant
Et tu as toute la vie pour souffrir comme les grands

Et gratte, gratte sur ta mandoline
Mon petit Bambino
Ta musique est plus jolie
que tout le ciel de l'Italie
Et canta, canta de ta voix câline
mon petit Bambino
Tu peux chanter tant que tu veux
Elle ne te prend pas au sérieux

Si tu as trop de tourments ne les garde pas pour toi
Va le dire à ta maman les mamans c'est fait pour ça
Et là, blotti dans l'ombre douce de ses bras
Pleure un bon coup et ton chagrin s'envolera
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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:02:30

MARGAUX a écrit:


Extrait du Diable au Corps de R.Radiguet

Cocteau évoquant Radiguet :

" Il était petit, pâle, myope, ses cheveux mal coupés pendaient sur son col et lui faisaient des favoris. Il grimaçait comme au soleil. Il sautillait dans sa démarche. On eût dit que les trottoirs lui étaient élastiques. Il tirait de ses poches les petites feuilles de cahier d’écolier qu’il y enfonçait en boule. Il les déchiffonnait du plat de la main et, gêné par une des cigarettes qu’il roulait lui-même, essayait de lire un poème très court. Il le collait contre son œil. "
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:11:35

Lichen a écrit:
[color=darkblue]Bambino, Bambino ne pleure pas, Bambino (Dalida)


On va encore dire que je pinaille (ouais...).
Mais mettre Bambino à côté de Hugo, Verlaine, Prévert et les autres, moyen moins.

:jap:
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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:15:43

La Guêpe a écrit:



On va encore dire que je pinaille (ouais...).
Mais mettre Bambino à côté de Hugo, Verlaine, Prévert et les autres, moyen moins.

:jap:

Non.
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:27:03

Atala a écrit:
La Guêpe a écrit:



On va encore dire que je pinaille (ouais...).
Mais mettre Bambino à côté de Hugo, Verlaine, Prévert et les autres, moyen moins.

:jap:

Non.



Je suppute que Dalida a sa place dans "chanson du jour" pas dans l'arêne.
La Plaza n'est pas pour les "bambinos".
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:35:22

La Guêpe a écrit:
Atala a écrit:
La Guêpe a écrit:



On va encore dire que je pinaille (ouais...).
Mais mettre Bambino à côté de Hugo, Verlaine, Prévert et les autres, moyen moins.

:jap:

Non.



Je suppute que Dalida a sa place dans "chanson du jour" pas dans l'arêne.
La Plaza n'est pas pour les "bambinos".


Elle est pour les mosquitos...


bzzzzzz la Guêpe...
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:38:48

MARGAUX a écrit:
La Guêpe a écrit:


Je suppute que Dalida a sa place dans "chanson du jour" pas dans l'arêne.
La Plaza n'est pas pour les "bambinos".


Elle est pour les mosquitos...


bzzzzzz la Guêpe...


Et los cojonados.

:jongle:
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:41:12

Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:


Extrait du Diable au Corps de R.Radiguet

Cocteau évoquant Radiguet :

" Il était petit, pâle, myope, ses cheveux mal coupés pendaient sur son col et lui faisaient des favoris. Il grimaçait comme au soleil. Il sautillait dans sa démarche. On eût dit que les trottoirs lui étaient élastiques. Il tirait de ses poches les petites feuilles de cahier d’écolier qu’il y enfonçait en boule. Il les déchiffonnait du plat de la main et, gêné par une des cigarettes qu’il roulait lui-même, essayait de lire un poème très court. Il le collait contre son œil. "

il a su écrire sa passion...sa vision était-elle si courte ?
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:44:48

La Guêpe a écrit:
MARGAUX a écrit:
La Guêpe a écrit:


Je suppute que Dalida a sa place dans "chanson du jour" pas dans l'arêne.
La Plaza n'est pas pour les "bambinos".


Elle est pour les mosquitos...


bzzzzzz la Guêpe...


Et los cojonados.

:jongle:


Mi mollet alors ...

et avec un petit blanc... :tape ordi:
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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:46:36

MARGAUX a écrit:
Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:


Extrait du Diable au Corps de R.Radiguet

Cocteau évoquant Radiguet :

" Il était petit, pâle, myope, ses cheveux mal coupés pendaient sur son col et lui faisaient des favoris. Il grimaçait comme au soleil. Il sautillait dans sa démarche. On eût dit que les trottoirs lui étaient élastiques. Il tirait de ses poches les petites feuilles de cahier d’écolier qu’il y enfonçait en boule. Il les déchiffonnait du plat de la main et, gêné par une des cigarettes qu’il roulait lui-même, essayait de lire un poème très court. Il le collait contre son œil. "

il a su écrire sa passion...sa vision était-elle si courte ?

Sa vie oui. Mort à vingt ans, deux livres uniquement dont une apparition remarquée au bal du comte d'Orgel.

Un grand talent.

:jap:
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 22:57:15

Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:

il a su écrire sa passion...sa vision était-elle si courte ?

Sa vie oui. Mort à vingt ans, deux livres uniquement dont une apparition remarquée au bal du comte d'Orgel.

Un grand talent.

:jap:


Et, dites M.Pivot, il est mort de quoi ce brave homme ?
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 23:08:13

Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:
Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:


Extrait du Diable au Corps de R.Radiguet

Cocteau évoquant Radiguet :

" Il était petit, pâle, myope, ses cheveux mal coupés pendaient sur son col et lui faisaient des favoris. Il grimaçait comme au soleil. Il sautillait dans sa démarche. On eût dit que les trottoirs lui étaient élastiques. Il tirait de ses poches les petites feuilles de cahier d’écolier qu’il y enfonçait en boule. Il les déchiffonnait du plat de la main et, gêné par une des cigarettes qu’il roulait lui-même, essayait de lire un poème très court. Il le collait contre son œil. "

il a su écrire sa passion...sa vision était-elle si courte ?

Sa vie oui. Mort à vingt ans, deux livres uniquement dont une apparition remarquée au bal du comte d'Orgel.

Un grand talent.

:jap:

Je viens de le relire tout récemment. J'adore.
Qu'est-ce que j'aurai aimé écrire comme ça "une passion" "ma passion".

La première fois que je l'ai lu, il y a deux ans, c'était sous un très tendre soleil d'été, et je pensais à celui qui m'attendait...
Et pour cela je n'ai pas oublié le souvenir que ce livre m'a laissé à l'époque,( et les marques aussi que les galets ont laissé sur ma peau :airforceone: , parce que impossible pour moi d'arrêter la lecture de la belle histoire que je venais d'entamer)
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 23:11:55

La Guêpe a écrit:
Atala a écrit:
MARGAUX a écrit:

il a su écrire sa passion...sa vision était-elle si courte ?

Sa vie oui. Mort à vingt ans, deux livres uniquement dont une apparition remarquée au bal du comte d'Orgel.

Un grand talent.

:jap:


Et, dites M.Pivot, il est mort de quoi ce brave homme ?

Typhus
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyMar 3 Mai à 23:34:24

très sensible à l'ambiance de ce texte...


Adagio(F.Coppée)

La rue était déserte et donnait sur les champs.
Quand j'allais voir l'été les beaux soleils couchants
Avec le rêve aimé qui partout m'accompagne,
Je la suivais toujours pour gagner la campagne,
Et j'avais remarqué que, dans une maison
Qui fait l'angle et qui tient, ainsi qu'une prison,
Fermée au vent du soir son étroite persienne,
Toujours à la même heure, une musicienne
Mystérieuse, et qui sans doute habitait là,
Jouait l'adagio de la sonate en la.
Le ciel se nuançait de vert tendre et de rose.
La rue était déserte ; et le flâneur morose
Et triste, comme sont souvent les amoureux,
Qui passait, l'oeil fixé sur les gazons poudreux,
Toujours à la même heure, avait pris l'habitude
D'entendre ce vieil air dans cette solitude.
Le piano chantait sourd, doux, attendrissant,
Rempli du souvenir douloureux de l'absent
Et reprochant tout bas les anciennes extases.
Et moi, je devinais des fleurs dans de grands vases,
Des parfums, un profond et funèbre miroir,
Un portrait d'homme à l'oeil fier, magnétique et noir,
Des plis majestueux dans les tentures sombres,
Une lampe d'argent, discrète, sous les ombres,
Le vieux clavier s'offrant dans sa froide pâleur,
Et, dans cette atmosphère émue, une douleur
Épanouie au charme ineffable et physique
Du silence, de la fraîcheur, de la musique.
Le piano chantait toujours plus bas, plus bas.
Puis, un certain soir d'août, je ne l'entendis pas.

Depuis, je mène ailleurs mes promenades lentes.
Moi qui hais et qui fuis les foules turbulentes,
Je regrette parfois ce vieux coin négligé.
Mais la vieille ruelle a, dit-on, bien changé :
Les enfants d'alentour y vont jouer aux billes,
Et d'autres pianos l'emplissent de quadrilles
.
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Atala
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyJeu 5 Mai à 15:54:31

Jeanne, dans sa chambre, se laissait déshabiller par Rosalie qui pleurait comme une source. Les mains errantes au hasard, elle ne trouvait plus ni les cordons ni les épingles et elle semblait assurément plus émue encore que sa maîtresse. Mais Jeanne ne songeait guère aux larmes de sa bonne ; il lui semblait qu'elle était entrée dans un autre monde, partie sur une autre terre, séparée de tout ce qu'elle avait connu, de tout ce qu'elle avait chéri. Tout lui semblait bouleversé dans sa vie et dans sa pensée ; même cette idée étrange lui vint : " Aimait-elle son mari ? " Voilà qu'il lui apparaissait tout à coup comme un étranger qu'elle connaissait à peine. Trois mois auparavant elle ne savait point qu'il existait, et maintenant elle était sa femme. Pourquoi cela ? Pourquoi tomber si vite dans le mariage comme dans un trou ouvert sous vos pas ?

Quand elle fut en toilette de nuit, elle se glissa dans son lit ; et ses draps un peu frais, faisant frissonner sa peau, augmentèrent cette sensation de froid, de solitude, de tristesse qui lui pesait sur l'âme depuis deux heures.

Rosalie s'enfuit, toujours sanglotant ; et Jeanne attendit. Elle attendit anxieuse, le coeur crispé, ce je ne sais quoi deviné, et annoncé en termes confus par son père, cette révélation mystérieuse de ce qui est le grand secret de l'amour.



Sans qu'elle eût entendu monter l'escalier, on frappa trois coups légers contre sa porte. Elle tressaillit horriblement et ne répondit point. On frappa de nouveau, puis la serrure grinça. Elle se cacha la tête sous ses couvertures comme si un voleur eût pénétré chez elle. Des bottines craquèrent doucement sur le parquet ; et soudain on toucha son lit.

Elle eut un sursaut nerveux et poussa un petit cri ; et, dégageant sa tête, elle vit Julien debout devant elle, qui souriait en la regardant. " Oh ! que vous m'avez fait peur ! " dit-elle.

Il reprit : " Vous ne m'attendiez donc point ? " Elle ne répondit pas. Il était en grande toilette, avec sa figure grave de beau garçon ; et elle se sentit affreusement honteuse d'être couchée ainsi devant cet homme si correct.

Ils ne savaient que dire, que faire, n'osant même pas se regarder à cette heure sérieuse et décisive d'où dépend l'intime bonheur de toute la vie.

Il sentait vaguement peut-être quel danger offre cette bataille, et quelle souple possession de soi, quelle rusée tendresse il faut pour ne froisser aucune des subtiles pudeurs, des infinies délicatesses d'une âme virginale et nourrie de rêves.

Alors, doucement, il lui prit la main qu'il baisa, et, s'agenouillant auprès du lit comme devant un autel, il murmura d'une voix aussi légère qu'un souffle : " Voudrez-vous m'aimer ? " Elle, rassurée tout à coup, souleva sur l'oreiller sa tête ennuagée de dentelles, et elle sourit : " Je vous aime déjà, mon ami. "

Il mit en sa bouche les petits doigts fins de sa femme, et la voix changée par ce bâillon de chair : " Voulez-vous me prouver que vous m'aimez ? "

Elle répondit, troublée de nouveau, sans bien comprendre ce qu'elle disait, sous le souvenir des paroles de son père : " Je suis à vous, mon ami. "

Il couvrit son poignet de baisers mouillés, et, se redressant lentement, il approchait de son visage qu'elle recommençait à cacher.

Soudain, jetant un bras en avant par-dessus le lit, il enlaça sa femme à travers les draps, tandis que, glissant son autre bras sous l'oreiller, il le soulevait avec la tête : et, tout bas, tout bas il demanda : " Alors, vous voulez bien me faire une toute petite place à côté de vous ? "

Elle eut peur, une peur d'instinct, et balbutia : " Oh ! pas encore, je vous prie. "

Il sembla désappointé, un peu froissé, et il reprit d'un ton toujours suppliant, mais plus brusque : " Pourquoi plus tard puisque nous finirons toujours par là ? "

Elle lui en voulut de ce mot ; mais soumise et résignée, elle répéta pour la deuxième fois : " Je suis à vous, mon ami. "




Alors, il disparut bien vite dans le cabinet de toilette ; et elle entendait distinctement ses mouvements avec des froissements d'habits défaits, un bruit d'argent dans la poche, la chute successive des bottines.

Et tout à coup, en caleçon, en chaussettes, il traversa vivement la chambre pour aller déposer sa montre sur la cheminée. Puis il retourna, en courant, dans la petite pièce voisine, remua quelque temps encore et Jeanne se retourna rapidement de l'autre côté en fermant les yeux, quand elle sentit qu'il arrivait.



Elle fit un soubresaut comme pour se jeter à terre lorsque glissa vivement contre sa jambe une autre jambe froide et velue ; et, la figure dans ses mains, éperdue, prête à crier de peur et d'effarement, elle se blottit tout au fond du lit.

Aussitôt, il la prit en ses bras, bien qu'elle lui tournât le dos, et il baisait voracement son cou, les dentelles flottantes de sa coiffure de nuit et le col brodé de sa chemise.

Elle ne remuait pas, raidie dans une horrible anxiété, sentant une main forte qui cherchait sa poitrine cachée entre ses coudes. Elle haletait bouleversée sous cet attouchement brutal ; et elle avait surtout envie de se sauver, de courir par la maison, de s'enfermer quelque part, loin de cet homme.

Il ne bougeait plus. Elle recevait sa chaleur dans son dos. Alors son effroi s'apaisa encore et elle pensa brusquement qu'elle n'aurait qu'à se retourner pour l'embrasser.

À la fin, il parut s'impatienter, et d'une voix attristée : " Vous ne voulez donc point être ma petite femme ? " Elle murmura à travers ses doigts : " Est-ce que je ne la suis pas ? " Il répondit avec une nuance de mauvaise humeur : " Mais non, ma chère, voyons, ne vous moquez pas de moi. "

Elle se sentit toute remuée par le ton mécontent de sa voix ; et elle se tourna tout à coup vers lui pour lui demander pardon.

Il la saisit à bras-le-corps, rageusement, comme affamé d'elle ; et il parcourait de baisers rapides, de baisers mordants, de baisers fous, toute sa face et le haut de sa gorge, l'étourdissant de caresses. Elle avait ouvert les mains et restait inerte sous ses efforts, ne sachant plus ce qu'elle faisait, ce qu'il faisait, dans un trouble de pensée qui ne lui laissait rien comprendre. Mais une souffrance aiguë la déchira soudain ; et elle se mit à gémir, tordue dans ses bras, pendant qu'il la possédait violemment.



Que se passa-t-il ensuite ? Elle n'en eut guère le souvenir, car elle avait perdu la tête ; il lui sembla seulement qu'il lui jetait sur les lèvres une grêle de petits baisers reconnaissants.

Puis il dut lui parler et elle dut lui répondre. Puis il fit d'autres tentatives qu'elle repoussa avec épouvante ; et comme elle se débattait, elle rencontra sur sa poitrine ce poil épais qu'elle avait déjà senti sur sa jambe, et elle se recula de saisissement.

Las enfin de la solliciter sans succès, il demeura immobile sur le dos.

Alors elle songea ; elle se dit, désespérée jusqu'au fond de son âme, dans la désillusion d'une ivresse rêvée si différente, d'une chère attente détruite, d'une félicité crevée : " Voilà donc ce qu'il appelle être sa femme ; c'est cela ! c'est cela ! "

Et elle resta longtemps ainsi, désolée, l'oeil errant sur les tapisseries du mur, sur la vieille légende d'amour qui enveloppait sa chambre.



Mais, comme Julien ne parlait plus, ne remuait plus, elle tourna lentement son regard vers lui, et elle s'aperçut qu'il dormait ! Il dormait, la bouche entrouverte, le visage calme ! Il dormait !




Maupassant.
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyJeu 5 Mai à 16:18:12

Atala :fleur:
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyJeu 5 Mai à 16:54:21

Atala a écrit:
Jeanne, dans sa chambre, se laissait déshabiller par Rosalie qui pleurait comme une source. Les mains errantes au hasard, elle ne trouvait plus ni les cordons ni les épingles et elle semblait assurément plus émue encore que sa maîtresse. Mais Jeanne ne songeait guère aux larmes de sa bonne ; il lui semblait qu'elle était entrée dans un autre monde, partie sur une autre terre, séparée de tout ce qu'elle avait connu, de tout ce qu'elle avait chéri. Tout lui semblait bouleversé dans sa vie et dans sa pensée ; même cette idée étrange lui vint : " Aimait-elle son mari ? " Voilà qu'il lui apparaissait tout à coup comme un étranger qu'elle connaissait à peine. Trois mois auparavant elle ne savait point qu'il existait, et maintenant elle était sa femme. Pourquoi cela ? Pourquoi tomber si vite dans le mariage comme dans un trou ouvert sous vos pas ?

Quand elle fut en toilette de nuit, elle se glissa dans son lit ; et ses draps un peu frais, faisant frissonner sa peau, augmentèrent cette sensation de froid, de solitude, de tristesse qui lui pesait sur l'âme depuis deux heures.

Rosalie s'enfuit, toujours sanglotant ; et Jeanne attendit. Elle attendit anxieuse, le coeur crispé, ce je ne sais quoi deviné, et annoncé en termes confus par son père, cette révélation mystérieuse de ce qui est le grand secret de l'amour.



Sans qu'elle eût entendu monter l'escalier, on frappa trois coups légers contre sa porte. Elle tressaillit horriblement et ne répondit point. On frappa de nouveau, puis la serrure grinça. Elle se cacha la tête sous ses couvertures comme si un voleur eût pénétré chez elle. Des bottines craquèrent doucement sur le parquet ; et soudain on toucha son lit.

Elle eut un sursaut nerveux et poussa un petit cri ; et, dégageant sa tête, elle vit Julien debout devant elle, qui souriait en la regardant. " Oh ! que vous m'avez fait peur ! " dit-elle.

Il reprit : " Vous ne m'attendiez donc point ? " Elle ne répondit pas. Il était en grande toilette, avec sa figure grave de beau garçon ; et elle se sentit affreusement honteuse d'être couchée ainsi devant cet homme si correct.

Ils ne savaient que dire, que faire, n'osant même pas se regarder à cette heure sérieuse et décisive d'où dépend l'intime bonheur de toute la vie.

Il sentait vaguement peut-être quel danger offre cette bataille, et quelle souple possession de soi, quelle rusée tendresse il faut pour ne froisser aucune des subtiles pudeurs, des infinies délicatesses d'une âme virginale et nourrie de rêves.

Alors, doucement, il lui prit la main qu'il baisa, et, s'agenouillant auprès du lit comme devant un autel, il murmura d'une voix aussi légère qu'un souffle : " Voudrez-vous m'aimer ? " Elle, rassurée tout à coup, souleva sur l'oreiller sa tête ennuagée de dentelles, et elle sourit : " Je vous aime déjà, mon ami. "

Il mit en sa bouche les petits doigts fins de sa femme, et la voix changée par ce bâillon de chair : " Voulez-vous me prouver que vous m'aimez ? "

Elle répondit, troublée de nouveau, sans bien comprendre ce qu'elle disait, sous le souvenir des paroles de son père : " Je suis à vous, mon ami. "

Il couvrit son poignet de baisers mouillés, et, se redressant lentement, il approchait de son visage qu'elle recommençait à cacher.

Soudain, jetant un bras en avant par-dessus le lit, il enlaça sa femme à travers les draps, tandis que, glissant son autre bras sous l'oreiller, il le soulevait avec la tête : et, tout bas, tout bas il demanda : " Alors, vous voulez bien me faire une toute petite place à côté de vous ? "

Elle eut peur, une peur d'instinct, et balbutia : " Oh ! pas encore, je vous prie. "

Il sembla désappointé, un peu froissé, et il reprit d'un ton toujours suppliant, mais plus brusque : " Pourquoi plus tard puisque nous finirons toujours par là ? "

Elle lui en voulut de ce mot ; mais soumise et résignée, elle répéta pour la deuxième fois : " Je suis à vous, mon ami. "




Alors, il disparut bien vite dans le cabinet de toilette ; et elle entendait distinctement ses mouvements avec des froissements d'habits défaits, un bruit d'argent dans la poche, la chute successive des bottines.

Et tout à coup, en caleçon, en chaussettes, il traversa vivement la chambre pour aller déposer sa montre sur la cheminée. Puis il retourna, en courant, dans la petite pièce voisine, remua quelque temps encore et Jeanne se retourna rapidement de l'autre côté en fermant les yeux, quand elle sentit qu'il arrivait.



Elle fit un soubresaut comme pour se jeter à terre lorsque glissa vivement contre sa jambe une autre jambe froide et velue ; et, la figure dans ses mains, éperdue, prête à crier de peur et d'effarement, elle se blottit tout au fond du lit.

Aussitôt, il la prit en ses bras, bien qu'elle lui tournât le dos, et il baisait voracement son cou, les dentelles flottantes de sa coiffure de nuit et le col brodé de sa chemise.

Elle ne remuait pas, raidie dans une horrible anxiété, sentant une main forte qui cherchait sa poitrine cachée entre ses coudes. Elle haletait bouleversée sous cet attouchement brutal ; et elle avait surtout envie de se sauver, de courir par la maison, de s'enfermer quelque part, loin de cet homme.

Il ne bougeait plus. Elle recevait sa chaleur dans son dos. Alors son effroi s'apaisa encore et elle pensa brusquement qu'elle n'aurait qu'à se retourner pour l'embrasser.

À la fin, il parut s'impatienter, et d'une voix attristée : " Vous ne voulez donc point être ma petite femme ? " Elle murmura à travers ses doigts : " Est-ce que je ne la suis pas ? " Il répondit avec une nuance de mauvaise humeur : " Mais non, ma chère, voyons, ne vous moquez pas de moi. "

Elle se sentit toute remuée par le ton mécontent de sa voix ; et elle se tourna tout à coup vers lui pour lui demander pardon.

Il la saisit à bras-le-corps, rageusement, comme affamé d'elle ; et il parcourait de baisers rapides, de baisers mordants, de baisers fous, toute sa face et le haut de sa gorge, l'étourdissant de caresses. Elle avait ouvert les mains et restait inerte sous ses efforts, ne sachant plus ce qu'elle faisait, ce qu'il faisait, dans un trouble de pensée qui ne lui laissait rien comprendre. Mais une souffrance aiguë la déchira soudain ; et elle se mit à gémir, tordue dans ses bras, pendant qu'il la possédait violemment.



Que se passa-t-il ensuite ? Elle n'en eut guère le souvenir, car elle avait perdu la tête ; il lui sembla seulement qu'il lui jetait sur les lèvres une grêle de petits baisers reconnaissants.

Puis il dut lui parler et elle dut lui répondre. Puis il fit d'autres tentatives qu'elle repoussa avec épouvante ; et comme elle se débattait, elle rencontra sur sa poitrine ce poil épais qu'elle avait déjà senti sur sa jambe, et elle se recula de saisissement.

Las enfin de la solliciter sans succès, il demeura immobile sur le dos.

Alors elle songea ; elle se dit, désespérée jusqu'au fond de son âme, dans la désillusion d'une ivresse rêvée si différente, d'une chère attente détruite, d'une félicité crevée : " Voilà donc ce qu'il appelle être sa femme ; c'est cela ! c'est cela ! "

Et elle resta longtemps ainsi, désolée, l'oeil errant sur les tapisseries du mur, sur la vieille légende d'amour qui enveloppait sa chambre.



Mais, comme Julien ne parlait plus, ne remuait plus, elle tourna lentement son regard vers lui, et elle s'aperçut qu'il dormait ! Il dormait, la bouche entrouverte, le visage calme ! Il dormait !




Maupassant.


Jeanne pouvait lui donnait tant, et Julien, prenait, sans lui donner en retour, si ce n'est l'ivresse de la séduction. Il était trop pressé de lui voler "sa jeunesse", "sa candeur", sans doute.

C'est d'une violence terrible, et pourtant j'adore, c'est tellement bien écrit.
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyJeu 5 Mai à 21:55:07

MARGAUX a écrit:


Jeanne pouvait lui donnait tant, et Julien, prenait, sans lui donner en retour, si ce n'est l'ivresse de la séduction. Il était trop pressé de lui voler "sa jeunesse", "sa candeur", sans doute.

C'est d'une violence terrible, et pourtant j'adore, c'est tellement bien écrit.

Maupassant, XIX°.
Les temps ont bien changé, quoique...


Le caleçon et les chaussettes, ça le fait pas.
Un tue-l'amour.
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MessageSujet: Re: Le vieil Hugo dans l'arène   Le vieil Hugo dans l'arène - Page 2 EmptyJeu 5 Mai à 21:57:46

La Guêpe a écrit:
MARGAUX a écrit:


Jeanne pouvait lui donnait tant, et Julien, prenait, sans lui donner en retour, si ce n'est l'ivresse de la séduction. Il était trop pressé de lui voler "sa jeunesse", "sa candeur", sans doute.

C'est d'une violence terrible, et pourtant j'adore, c'est tellement bien écrit.

Maupassant, XIX°.
Les temps ont bien changé, quoique...


Le caleçon et les chaussettes, ça le fait pas.Un tue-l'amour.

moi aussi ça m'a marqué ces quelques mots...par contre quand je compare avec ma première fois,je me marre...heureusement que je n'ai pas attendu le mariage,moins de pression... :rideau:
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